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Trottinettes : pourquoi envisager leur suppression pour l’environnement ?

C’est une scène qui n’a rien d’anodin : devant l’école, un tapis de trottinettes électriques, muettes mais omniprésentes, colonise le trottoir. Là où elles promettaient de révolutionner la mobilité urbaine tout en respectant la planète, ces petits engins s’entassent, et la question s’invite sans détour : la trottinette électrique, amie ou mirage écologique ?

Derrière leur silhouette minimaliste, ces engins camouflent une réalité bien moins reluisante. Entre batteries à la durée de vie éclair, logistique nocturne énergivore et recyclage chaotique, le vernis vert craque. Faut-il vraiment continuer à dérouler le tapis rouge aux trottinettes, ou serait-il temps de tourner la page pour prendre un vrai bol d’air ? La réponse, loin d’être tranchée, mérite d’être décortiquée.

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Quand la promesse écologique des trottinettes s’effondre

La trottinette électrique séduit : rapide, fluide, elle se donne des airs de solution miracle, presque invisible sur le plan carbone. Mais à y regarder de plus près, le bilan carbone trottinette grince sérieusement. Une étude de l’ADEME jette un pavé dans la mare : l’empreinte carbone d’une trottinette partagée gonfle à vue d’œil, bien plus vite que celle d’un vélo, en grande partie à cause d’une durée de vie famélique.

La gestion de flotte, angle mort du modèle partagé

Impossible d’ignorer le casse-tête logistique de la gestion de flotte trottinette dans les grandes villes. Chaque nuit, des armées de fourgonnettes sillonnent Paris pour ramasser, recharger puis redéployer ces engins : le bénéfice environnemental fond comme neige au soleil. L’ADEME chiffre l’impact environnemental trottinette partagée à près de 60 gCO₂/km, presque autant qu’une voiture légère une fois la collecte et la recharge intégrées.

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  • Durée de vie moyenne d’une trottinette partagée : entre 1 et 2 ans.
  • Pour fabriquer une trottinette : aluminium, plastique, batterie lithium-ion — autant de matériaux gourmands en énergie et ressources.
  • Très souvent, la trottinette remplace… un trajet à pied ou à vélo, autrement dit bien plus sobre.

Le cycle de vie complet explose donc littéralement le compteur de la empreinte carbone trottinette. À Paris, supprimer les trottinettes en libre-service, ce serait alléger d’un coup le bilan carbone de la mobilité urbaine.

Les impacts écologiques réels derrière l’usage quotidien

La fabrication trottinette électrique pèse déjà très lourd dans la balance écologique. L’aluminium de la structure réclame extraction et traitement énergivores. Quant à la batterie lithium-ion trottinette, elle pose un défi d’un autre ordre : métaux rares, solvants, casse-tête du recyclage. À chaque nouveau modèle mis en circulation, le fardeau carbone s’alourdit.

Le modèle du partage, loin de corriger le tir, aggrave la situation. La collecte trottinette partagée mobilise des camions qui tournent la nuit pour regrouper, recharger puis redéployer les engins — une organisation énergivore. Chez Lime, Dott ou Tier, ces rotations nocturnes génèrent des émissions CO2 trottinette largement sous-estimées dans les communications officielles.

  • Selon l’ADEME, la recharge trottinette électrique et la logistique pèsent pour près de 50 % des émissions totales.
  • En moyenne, chaque trajet en trottinette partagée ne dépasse pas 2 km.

Multiplier les petits trajets ne suffit pas à compenser l’empreinte de toute la chaîne de maintenance. Les tentatives de recyclage n’arrivent pas à absorber le rythme effréné du renouvellement, usure et vandalisme en tête. Finalement, gestion logistique trottinette et production pèsent bien plus lourd que l’utilisation quotidienne.

Face aux autres modes de mobilité urbaine : peut-on parler de solution durable ?

Mode de transport Émissions GES (g CO₂/km) Durée de vie moyenne Usage type
Trottinette électrique ≈ 105[1] 2 ans (partagée) Trajets courts, déplacement solo
Vélo ≈ 10[2] 10 ans Trajets courts à moyens
Marche 0 Trajets très courts
Bus (urbain thermique) ≈ 80 (par passager) 12 ans Trajets moyens à longs
Voiture (essence, solo) ≈ 200 10-15 ans Tout type de trajet

La trottinette électrique flotte dans une zone d’ombre du comparatif mobilité urbaine. Le changement de mode de transport, dans la réalité, n’a rien de vertueux : selon l’ADEME, la majorité des utilisateurs auraient tout aussi bien marché, pris leur vélo ou opté pour les transports collectifs. Marche et vélo restent imbattables côté carbone, avec une durée de vie allongée et une fabrication moins énergivore.

  • Le bus urbain, même s’il émet davantage à première vue, optimise son impact grâce à la densité d’usagers transportés.
  • La voiture thermique demeure le mauvais élève, mais la trottinette partagée n’offre aucune révolution pour l’environnement.

La mobilité durable ne se limite pas à l’objet roulant sous nos pieds. Il faut regarder l’ensemble de la chaîne, du report modal au vrai usage. Dans cette perspective, la trottinette ne tient pas la route.

[1] Source : étude ADEME 2022 — [2] Source : ICCT 2021
trottinette environnement

Pour des villes respirables : réinventer la place des trottinettes

Le débat sur la régulation des trottinettes électriques s’enflamme. Depuis le décret du 8 juillet 2021, les contraintes s’accumulent : limitation de vitesse, interdiction sur les trottoirs, âge minimum relevé. Pourtant, la pollution locale et le désordre persistent au cœur des villes. Les opérateurs affichent leur bonne volonté via des chartes, mais la saturation et les incivilités ne faiblissent pas.

Le casse-tête du recyclage des trottinettes reste entier. Les filières peinent à absorber l’avalanche de batteries lithium-ion, alors que les modèles partagés ne survivent souvent que quelques mois. Cette micromobilité accélère la question des déchets urbains et de la gestion de fin de vie.

  • Le plan national de régulation ambitionne de réduire l’impact écologique tout en maintenant un équilibre entre les modes de déplacement.
  • Les collectivités cherchent à redonner de l’espace à la marche, au vélo et aux transports collectifs.

Reste la question de la cohabitation. Les accidents restent nombreux, l’espace urbain se tend. Réfléchir à la place des trottinettes, c’est lancer un vrai chantier de société — entre innovation, sobriété et exigence écologique. Paris et d’autres grandes villes sont à la croisée des chemins : continuer à saturer les trottoirs ou imaginer, enfin, une ville qui respire ?

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